TEXTES

Bernard Dorival
Ancien conservateur en chef du Musée National d’Art Moderne (Paris)
Professeur émérite de l’université paris IV – Sorbonne

Monument à la mémoire de la Résistance

Des centaines peut être des milliers de statues se dressent dans les artères, les places, les jardins de paris et de sa région.

Toutes ne sont pas d’une valeur artistique convaincante : bonne raison pour nous réjouir qu’à Evry, dans l’Essonne, une exception vienne démentir la règle et que le monument à la Résistance Française de Catherine Fourniau y soit une œuvre de haute qualité.

Une œuvre triple, un groupe. D’abord, une stèle en granit rose de Cholet portant gravés, quelques mots du Général de Gaulle. Puis, deux personnages, en bronze, plus grands que nature, ce qui les installe d’emblée dans un univers autre. Une femme debout, raidie par la souffrance ou la résolution, et un homme agonisant qu’elle soutient dont le corps défaillant, en arc de cercle, est mis en valeur par son contraste avec la verticale qu’elle affirme solennellement. Puis c’est, après la mort, la vie, la vie qu’exprime une longue figure, de bronze également, qui, dans un élan irrésistible, enfonce les deux battants d’une porte, en granit rose, eux aussi, et qui signifie tout à la fois l’oppression et l’avenir. Ainsi tout est dit de ce qu’il fallait dire, tout est situé dans un monde héroïque rendu évident par les proportions des personnages qui, jambes trop longues et bras trop courts, appartiennent à une humanité différente de notre humanité quotidienne et médiocre. Et cela, d’autant mieux que Catherine Fourniau a eu une de ces idées qui viennent seulement aux grands artistes, celle de refuser les socles traditionnels, obligatoires pour les grands artistes, celle de refuser les socles traditionnels, obligatoires pour les statues, et de poser ses sculptures directement sur le sol ; un sol couvert de fins graviers, comme celui de Ryoangi de Kyoto, et dont la couleur joue subtilement avec celle des battants de la porte symbolique. A même la terre, rien ne nous éloigne des personnages, ainsi le plain pied, que leur taille et leur anatomie auraient pu nous rendre étranger. Leur drame devient du même coup, mais sublime, le notre. Épique et fraternel, souvenir d’un passé tragique et d’un futur qui se ra ce que nous en feront, le groupe d’Evry est, je ne crains pas de l’affirmer, une des réalisations majeures de la statuaire française d’aujourd’hui. Puisse le public le comprendre et puisse son message convaincre tous ses spectateurs.